Cela faisait neuf jours que Tah'al était parti de Suna, mais pour une mission bien précise : retrouver un homme à la tête d'une bande qui harcelait les paysans à l’extrême sud du pays du sable. Un autre Jônin avait été envoyé avant lui, mais sans nouvelles de lui depuis pratiquement un mois, la mission avait été confiée à un autre ninja, et retrouver ce qu'il était arrivé à son prédécesseur était une sorte de mission bonus. On craignait sa capture, ou bien pire, sa mort ou son intégration. Dans le dernier cas, la trahison d'un shinobi n'amenait qu'une seule issue, sa mise à pied forcée suivie d'une ablation de la tête. Il était toujours dommage de perdre l'un des siens, un membre de son village, mais il était inacceptable qu'un frère puisse trahir sa famille et s'en sortir indemne.

La mission s'était bien déroulée dans l'ensemble, le carnage qu'avait provoqué Tah'al au sein du groupe de pillards avait forcé le chef à se montrer, et en moins d'une minute, le combat s'était terminé, aucune de ses victimes n'était un ninja, et n'avaient donc pas la moindre chance. Les hautes instances avaient souhaité que cet homme soit ramené vivant, pour pouvoir lui soutirer des informations et le juger de manière civilisée afin de rendre justice aux familles des victimes. Mais le Dieu Jashin était capricieux, et il n'aimait pas les prisonniers, surtout quand ceux-ci étaient en vie, et Tah'al étant un bon disciple, il avait obéit scrupuleusement aux règles de sa religion, le tout dans une orgie de sang et de chaos. Il avait aussi retrouvé son camarade au fond du repaire des brigands, bien évidemment mort. Il avait donc deux corps à transporter, et déjà qu'un corps était quelque chose de lourd, deux l'étaient encore plus, il fallait donc trouver un moyen pour remédier à ce problème.

Le neuvième jour, il revint au village, directement dans le Dôme du Kazekage. Tah'al n'étant pas des plus sociables, il ne prit même pas la peine de s'annoncer ou de vérifier que son supérieur était disponible avant d'entrer, un sac marron sur l'épaule, d'où s'échappait quelques gouttes de sang de temps à autre. Par chance, Atsusa était présent, assis à son bureau le nez plongé dans des papiers tout ce qu'il y avait de plus officiel et sûrement important. Un passe temps des plus ennuyeux et des plus rébarbatif. N'éprouvant aucune forme de respect pour les protocoles, et encore moins pour son Kage, le Jashiniste ouvrit le sac, et vida le contenu du sac directement sur le bureau, sans se soucier des papiers. Deux têtes dépourvues de corps atterrirent dessus, laissant échapper le reste de sang qui était retenu par le sac, tâchant irrémédiablement le travail manuscrit. Le tout formait une scène plutôt macabre et immonde, mais qui arracha un sourire de satisfaction au Jônin, fier de faire tant d'honneurs à son Dieu. A tour de rôle, il pointa de son index les visage sans vie qui servaient de trophées :

-Lui, c'est le chef de la bande de voleurs, et lui c'est … euh … j'ai oublié son nom. Le tocard qui a échoué avant moi.

Tah'al avait toujours été aussi irrespectueux, autant de ses camarades que de ses supérieurs, mais le fait était qu'il n'échouait jamais, même dans les missions les plus compliquées. On supportait donc son excentricité, plus ou moins bien selon les cas, mais aujourd'hui, il avait franchis un nouveau pas, car c'était la première fois qu'il osait se moquer éhontément d'un ninja mort au combat, devant l'homme le plus puissant du village de surcroît.

Quel respect fallait-il éprouver pour des païens qui ne savaient pas où mettre leur confiance ? Il n'existait qu'un être au dessus des autres, et ce n'était pas ce semblant de père de famille, mais bel et bien un véritable immortel, Dieu-Jashin. Il était la puissance à l'état-pur, l'âme de ce monde, le meilleur combattant et le plus grand meneur, mais avant tout, un véritable paternel et un protecteur pour chacun de ses prêtres. Il offrait des techniques spéciales à chacun de ses apôtres, dont chacune d'elles permettait de remporter des victoires en son nom tout en lui offrant des orgies de sang. Il octroyait des capacités au dessus du summum des mortels, que personne n'arrivait réellement à comprendre. En échange, il ne demandait que des carnages en son nom, des meurtres sanglants et des combats qui amenaient mort et destruction. Alors pourquoi Tah'al devrait considérer ce Kage comme son père ? Pour devoir lui obéir aveuglement, pour rendre des services en échange d'un peu de reconnaissance, et pour la fierté de ce village. Il n'y avait rien d'amusant ici. Les entraînements étaient sécurisés, les jeunes sur-protégés, les femmes toujours à l'abri, et les shinobis eux-mêmes devaient respecter les vies de tous les autres. Comment pourraient-ils un jour devenir véritablement puissants si ils passaient leur temps à satisfaire leur sécurité au détriment de leur réel potentiel ?

Et aujourd'hui, enfin, Tah'al avait obtenu ce qu'il avait tant espéré depuis des lustres : un combat en pleine ville, et contre Atsusa lui-même. Il allait enfin montrer la puissance de son Dieu, le faire reconnaître afin que chacun puisse le craindre et le vénérer. Il avait une foi absolue en Dieu-Jashin et en ses propres capacités, mais il savait que l'issue du combat était inévitable. Il allait perdre. Mais avant ça, il allait se donner à fond pour rendre fier de lui son unique supérieur, en qui il croyait, et faire comprendre au Kazekage qu'il n'était pas quelqu'un à prendre à la légère.

L'écran de fumée avait donc déclenché les hostilités. Tah'al s'attendait à un truc dans ce genre, et avant même que la technique ne se termine, il avait déjà sauté en arrière, au fond du dôme, en prenant bien soin d'emporter avec lui la tête tranchée du shinobi. Il aimait bien son trophée pour son Dieu après tout, donc pourquoi l’abîmer. Quand l'explosion de feu retentit, le Jônin s'était déjà abrité derrière une table qu'il avait renversé, pour éviter de se blesser aussi bêtement. Bien sur, le feu était retord et s'infiltrait partout, il n'avait pas pu empêcher quelques brûlures légères, mais ce n'était pas aussi peu qui l’empêcherait de combattre. La souffrance était le cœur même de sa religion, et elle lui donnait l'impression d'être vivant.

Traversant la pièce à moitié détruite, il sauta par le trou qu'avait formé le Kage dans le mur, et atterrit au sol souplement, toujours avec son macabre trophée à la main. Et malgré lui, un début de sourire au coin des lèvres, en prévision du combat à venir. Il fit quelques pas vers son adversaire, et, tenant la tête par les cheveux, leva ses deux mains au niveau du visage de tous, et de la foule rassemblée en cercle. Il était navrant de tous les voir s'inquiéter pour un seul homme, alors que seul Dieu-Jashin mériterait tant de dévotion. Mais l'heure n'était pas aux larmes.

-Dis moi, toi qui prétend avoir créé une famille, quel père digne de ce nom enverrait ses enfants mourir ? Vois ce visage que je tiens dans mes mains, et ose dire que tu n'en es pas responsable.

Ses mains s'ouvrirent, laissant le morceau de corps humain tomber sur le sol avec un bruit sourd. Il était en position pour que tout débute, ses deux paumes droit vers Atsusa qui, sans le savoir, venait de subir la première technique de Tah'al.

-Tadai Rendan Jashin no Hirate

Spoiler:

Ainsi, il pensait que Tah'al était un meurtrier. Il était dans le vrai, certes, car au cours de sa vie, il avait pris un nombre incalculable de vie, sans distinction de sexe, d'âge ou de puissance. Dieu-Jashin réclamait des corps inertes, dépouillés de toute forme de chaleur et gisant dans des flots de sang, alors qui était-il pour contredire sa divine volonté ? Chacun de ses meurtres se faisait selon un rituel précis : récolte, assimilation, et carnage. Il devait faire couler le sang, en petite quantité afin d'éviter que sa proie ne meurt trop vite, puis en avaler, ne serait-ce qu'une goutte pour que tout commence réellement. La suite n'était qu'honneur et gloire pour son Dieu, car le Jashiniste finissait toujours ce qu'il avait commencé.

Mais là, le Kazekage n'avait pas compris la stricte vérité. Tah'al n'avait pas mis fin aux jours du Jônin, ce n'était pas son oeuvre. Le corps du ninja n'avait pas été tué sans cérémonie, et cela, jamais il n'en aurait eu l'audace. Mais la colère du Père de Suna était bien trop grande pour être apaisée pour le moment, et ils devraient donc combattre jusqu'au bout. Leur force était plus qu'inégale, mais le Jashiniste savait comment gérer cela, en évitant au maximum ses attaques dévastatrices, pour éviter que son corps ne soit annihilé. Tah'al était immortel, comme chaque membre de sa religion, mais il préférait quand même garder son corps intacte un minimum pour pouvoir se guérir par la suite, il devrait jouer serré.

Mais il venait d'apprendre une nouvelle chose qui ne le déplaisait pas, le Jônin n'était ainsi pas seul durant sa mission. Il avait été accompagné par deux de ses amis de même niveau. Chaque personne censée aurait immédiatement demandé à les voir, pour qu'ils témoignent de son innocence et qu'ainsi le combat prenne fin. Mais Tah'al était un psychopathe qui ne vivait que pour son Dieu, et la seule chose qui traversa son esprit était le fait qu'il avait réussi aisément là où trois avaient échoués. Cela renforça sa volonté à se battre et à faire couler le sang, quitte à faire des dommages collatéraux parmi les civils. Cela n'avait plus aucune sorte d'importance.

Atsusa passa à l'attaque, un simple kunai avec une note explosive, et des billes fumigènes. En même temps, Tah'al ne s'était pas contenté de regardé et d'attendre, il avait sorti un parchemin pour invoquer son arme fétiche : le fouet. L'action se déroula en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, et quand la première explosion se produisit, il était prêt à contre-attaquer. Mais le Kage ne s'était pas contenté d'aussi peu, et avait continué avec trois clones qui allaient taper directement dans l'épais nuage qui s'était créé avec les fumigènes. Cela offrait une couverture au Jashiniste, et le temps que les clones envoient leurs techniques dans le tas, il avait à nouveau agis.

Il y avait un simple détail qu'il fallait noter dans tout ceci, la tête coupée qu'avait amené Tah'al volait à présent vers le Kage grâce à l'explosion du parchemin explosif, mais seule une personne habituée des combats l'aurait remarqué, le souffle d'explosion ayant attiré tous les yeux. Quelques secondes plus tard, les trois copies du Kazekage envoyèrent un torrent de vent et de flammes, qui firent bien rire le Jônin. Au moment même ou une nouvelle déflagration se produisit, la tête tranchée produisit un son et une faible fumée blanche, et Tah'al apparut à sa place, toujours dans les airs.

-Kawarimi no Jutsu effectué avec succès.

Le fouet à la main, il envoya son extrémité tranchante comme un rasoir vers la tête du Kage, d'un simple mouvement du poignet. En moins d'une fraction de secondes, le fouet avait frôlé son visage, récupérant le sang versé grâce à sa technique précédente, et était revenu vers Tah'al. C'était une arme extrêmement rapide, qui pouvait voir sa trajectoire modifiée même en cours d'attaque, et qui n'était pas fait pour tuer, mais seulement blesser pour récolter le sang nécessaire au rituel. Le Jônin, le visage brûlé sévèrement sur un côté à cause de la première explosion, amena le fouet à sa bouche, mais ne le lécha pas. Il eut un sursaut de conscience, surement un attachement à Suna et à son Kage, mais surtout, parce qu'il ne souhaitait pas mourir, pas encore, pas tant qu'il pouvait servir les dessins de Dieu-Jashin. Même si il ingérait le sang, il devait encore tracer le cercle religieux au sol et entamer son rituel. Et il savait que jamais il n'en aurait le temps, et que Atsusa n'avait pas encore déployé son réel potentiel de destruction. Le fossé qu'il y avait entre eux était immense, et même si jusqu'à présent il s'en était plutôt bien sortit, son corps finirait par le trahir, et la moindre erreur lui serait fatale. Le Kazekage n'avait perdu qu'un peu de son sang, alors que Tah'al avait subit des brûlures sur tout son corps, et avait la moitié du visage amoché. Son immortalité le sauvait à présent, car ces blessures pouvaient se révéler rapidement mortelles.

-Des deux têtes que j'ai ramené, seule une est mon oeuvre. J'ai trouvé ton fils déjà mort, au fin fond d'une cellule.

Spoiler: